J’ose enfin ouvrir les yeux…
Le serpent de cuir m’a mordu le dos
Son venin brûlant me consume les chairs
Je me souviens…
Les cris, mon nom hurlé par mon jeune frère.
Mon frère ? Où est mon frère ?
Là, allongé, à mes côtés, j’étais inquiet
Il fait noir.
Je veux lui caresser le visage, le rassurer
Mais le fer me tord les poignets
Hier encore j’étais avec mon enfant
Il riait en sautant au cou de ma belle
ma belle…
Je n’ai pas pu leur dire « au revoir »
Est-ce à dire que je ne les reverrai jamais ?
On m’a dit que l’on m’emmenait de l’autre côté
Par delà l’océan, dans un pays où vit le grand froid
Où il a étendu son règne jusqu’aux coeurs de ses sujets
J’entends gémir et pleurer
Je veux me lever, mais j’ai mal
Je dois avoir la cheville brisée…
Combien des miens se trouvent là, avec moi?
J’entends la mort se pencher au-dessus de mon visage
Je ferme alors les yeux, en pensant à la chair de ma chair
A ma belle aux pieds nus
Mais je suis toujours là…
Je dois rassurer mon frère
Je rampe et pose mon front sur son visage
Sa peau est froide…
Il m’observe de ses grands yeux noirs
Un sourire figé, pour l’éternité
Mon coeur se serre
Ce n’est pas moi que la mort est venue chercher…